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Famille Bitulu
3 octobre 2005

La débandade

L'Assemblée générale des enseignants convoquée ce lundi 03 octobre 2005 en vue de la restitution a connu une forte participation. Comme d'habitude, en y allant, sur le chemin les enseignants sont applaudis et encouragés par toutes les couches sociales qui les qualifient déjà de héros pour signifier qu'ils sont hérauts de la lutte sociale de la libération. Les espoirs fondés en cette institution dépassent celle accordée aux décisions de l'assemblée nationale et celles du gouvernement.

On l'a constaté la semaine dernière, le gouvernement ayant menacé ceux qui ne reprendront pas l'école ou créeront une obstruction à ceux qui voudraient travailler avait exigé que les parents envoient les enfants à l'école comme toutes les mesures de sécurité étaient prises. Pour toute réponse, la dernière semaine du mois de septembre s'est achevée sans qu'un seul élève n'ait fréquenté l'école. Les parents ont rejoint les enseignants dans la radicalisation. Ils ont tous respecté le mot d'ordre de l'assemblée générale du lundi 26 septembre. Et comme il y était décidé que le suivant pas des négociations ne sera plus de l'initiative des enseignants mais du gouvernement. Au besoin, l'implication personnelle du Chef de l'Etat serait une bonne chose étant donné que les deux autres membres de l'espace présidentiel (Economie - Finance et Culture) n'ont pu convaincre personne sur la bonne volonté du gouvernement de remettre les élèves sur le banc de l'école. N'est-il pas le garant de la nation après tout ? Pourquoi se taît-il alors que le climat social s'infecte et s'embrase ?

Le Chef de l'Etat a saisi la balle lui envoyée et comme tout bon joueur, il a convoqué ses partenaires dans le domaine de l'éducation : parents, syndicats et coordinateurs des écoles conventionnées. Chaque groupe a été reçu séparément des autres, sans doute pour s'exprimer plus librement. Il serait pourtant de bon aloi de confronter tout le monde et de signer une sorte de pacte social avec les Ministres concernés.

Au sortir de ces audiences, tout le monde demeurait convaincu qu'il y aurait reprise cette semaine à cause de la compassion rencontrée auprès du Chef de l'Etat. En guise de compassion, c'était plutôt la corruption qu'on pouvait facilement déceler dans les dires des uns et des autres. Le sourire auquel les téléspectateurs ont eu droit à l'occasion de ces entretiens n'était pas celui de compassion mais de compromission. Car personne ne peut comprendre que devant la détresse des millions d'enfants privés de scolarité pendant trois semaines, le pouvoir central n'éprouve aucun regret, ne dit mot sur la médiocrité des chiffres proposés en salaires aux enseignants et cadres administratifs.

L'assemblée a donc démarré par un euphémisme de la part de la délégation : vous nous avez envoyé devant la tentation ! Quelle triste manière de désigner un gouvernement d'un pays ! Seul le diable tente ! Si ceux qui ont la charge publique devient une tentation pour leurs gouvernés, n'est-ce pas un désaveu public qui, sous d'autres cieux invoque la démission ? Alors, bien des choses sont à revoir chez nous !

Après cette introduction inhabituelle, une suite toute aussi inhabituelle : le discours au lieu d'une démonstration au tableau noir. Le rapporteur annonce que le Chef de l'Etat accorde 1.172.468.800 francs congolais aux enseignants en supplément de ce que le gouvernement a décidé, avant de poursuivre avec les autres mesures dont la signature de neuf décrets portant titularisant les cadres de commandement et un autre créant le Fonds pour la promotion de l'éducation, l'implication des enseignants dans les travaux d'élaboration du budget 2006. Les enseignants s'énervent : d'où provient cet argent et pourquoi leur est-il octroyé ? Quelles sont les modalités de sa répartition pour les 230.000 enseignants recensés par la commission ad hoc ? Et qu'est-ce que cela a à voir avec les revendications contenues dans le cahier de charge ? Serait-ce une façon de retourner au système décrié de cadeaux en lieu et place de salaires ? Les interventions fusent de toutes parts dans les sens les plus divers. On s'emploie à savoir ce que la délégation a finalement présenté au Chef de l'Etat.

Pendant ce temps, un texte circule dans la salle intitulé "Communiqué Nécrologique" dont voici la teneur : "Le Syndicat des Enseignants du Congo, "SYECO" et le SYNECAT "Syndicat des Enseignants Catholiques" ont la profonde douleur d'informer les parents, élèves et chefs d'établissements du décès de Madame "La Motivation des Enseignants" à l'hôpital général de Mbudi suite à une longue et pénible maladie, malgré les moyens thérapeutiques possibles lui administrés par des médecins spécialisés du Ministère de l'EPSP après son transfert pour les soins intensifs à l'hôpital général du gouvernement congolais. Le deuil se tient au siège du SYECO et du SYNECAT.

L'enterrement aura lieu ce lundi 3/10/05 au cimetière de l'Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel. Que son âme repose définitivement en paix pour que vive l'éducation pour tous en R.D.C.". Comprenne qui pourra !

Pour toute réponse, le président de céans, Jean Bosco Puna Tsasa, secrétaire général du Synécat clame d'un ton solennel la suspension de la grève et, comme s'il s'y était préparé de longue date, il prend le large par une issue de secours pour échapper aux insultes et projectiles qui provenaient de partout dans la salle. Les responsables de paroisse Notre-Dame, se rendant compte de la situation font appel à la police anti-émeutes qui accourent aussitôt, contrairement aux us et moeurs qui sont les leurs lorsqu'il s'agit d'intervenir dans les querelles des gangs armés qui terrorisent les populations dans les quartiers.

La débandade est totale dans la salle et nul n'a le temps de savoir comment organiser la suite de la grève. Heureusement que la raison l'a vite emporté sur les sentiments épidermiques, d'autant qu'il s'agit bien d'un rassemblement d'éducateurs. La colère de la foule se calme assez rapidement et l'opinion se recentre vite pour en appeller au bon sens de chacun devant l'impasse voire le vide qui risquaient de fragiliser le mouvement. Sous la pression de la foule, les deux secrétaires généraux sont rattrapés et contraints de rédiger une autre déclaration et de la lire avant de se séparer.

Chose promise, chose due. Voici la teneur de la deuxième déclaration, la seule qui réunira l'assentiment des enseignants et qui fera force de loi pour la poursuite des opérations :

« Le Syndicat des enseignants du Congo et le Syndicat national des enseignants des écoles conventionnées catholiques du Congo ont convoqué une assemblée générale de restitution des entretiens qu’ils ont eus avec le chef de l’Etat le samedi 1er octobre 2005.

A l’issue de ces entretiens qui constituent une réponse à l’interpellation lancée en sa direction le lundi 26 septembre 2005, il s’est dégagé ce qui suit : l’augmentation par le gouvernement de 1.172.468.800 Francs congolais à l’enveloppe salariale obtenue à l’issue des travaux de la commission ad hoc ; la signature sans délai de neuf décrets qui titularisent les cadres de commandement et l’ensemble du personnel de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel et d’un autre décret qui concrétise le Fonds pour la promotion de l’éducation ; l’implication des enseignants dans les travaux relatifs à l’élaboration du budget 2006 en vue de dégager une enveloppe conséquente en faveur de l’éducation nationale ; le Syeco et le Synecat, qui considèrent l’Etat congolais seul employeur, le placent devant ses responsabilités pour l’amélioration des conditions socio-professionnelles des enseignants et la stabilité de l’année scolaire 2005-2006.

Saluant la volonté du chef de l’Etat à résoudre la crise qui secoue l’Epsp, les enseignants recommandent que les solutions concrètes soient trouvées avant la reprise de travail. Par ailleurs, la prise en charge des enseignants par les parents ne peut être réhabilitée à ce jour pour pouvoir soutenir le système éducatif congolais. En attendant, les enseignants décident de ne pas reprendre le travail jusqu’à l’octroi d’un salaire qui répond à leurs attentes conformément aux accords de Mbudi. »

Les enseignants se décident d'organiser une marche qui va les mener en colonnes rangées de la cathédrale Notre-Dame du Congo au Rond-Point de la Victoire où ils se sont dispersés. Les journalistes nombreux ont fait preuve de déontologie en présentant les images de cette manifestation dans parti pris. Un pas de plus vient d'être franchi dans la démocratisation du Congo. Les marcheurs n'ont pas été non plus inquiétés outre-mesure car les forces de l'ordre s'estiment, elles aussi, concernées par les Accords de Mbudi. Sans le manifester extérieurement par une mutinerie ou autre conduite incivique, elles affichent un comportement digne de grandes unités de maintien de l'ordre dans le monde.

La grève sociale la plus acerbe, celle des enseignants est désormais reconduite et se poursuivra avec de nouvelles péripéties qu'il faudra inventer. C'est l'affaire de chaque enseignant et de chaque Congolais, car hormis les 230.000 enseignants - parents, le pays compte plusieurs millions de parents paupérisés qui sont incapables d'assurer la scolarité de leur progéniture dans les écoles disposant encore d'un personnel qualifié et disposé à travailler puisque bien rémunérés. Pourquoi ne se constitueraient-ils en souteneurs de grévistes pour lancer des actions directes en direction du gouvernement pour le contraindre à se comporter correctement ?

Alphonse-Marie Bitulu

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Famille Bitulu
  • Je suis éducateur et formateur de carrière et de profession. Mon épouse m'accompagne dans ce métier et nous aimerions partager notre expérience et notre foi avec ceux qui nous liront. Les remarques et autres suggestions nous aideront à améliorer et enrichi
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