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Famille Bitulu
3 octobre 2005

Les disciples d'Emmaüs

Les disciples d’Emmaüs

La grève des enseignants entame sa quatrième semaine ce lundi 03 octobre 2005. Il est sept heures vingt minutes. Deux jeunes gens à l'âge de scolarité, en tenue bleu-blanc, ketchs pimpant neufs aux pieds, cartables tout aussi neufs sur le dos taillent bavette au niveau de la descente de la cité verte, non loin du complexe scolaire "Les Eucalyptus" voisin de l'enclos de l'Université Catholique (un chantier non entamé, juste clôturé) dans la commune de Mont Ngafula. Ils taillent bavette, manifestement découragés de rentrer à la maison. Quel enfant kinois aime encore la maison ? Ils préfèrent tous la rue à cause de la chaleur de la maison, même quand elle est climatisée. La SNEL ayant de plus en plus des ennuis avec la fourniture de l’énergie, les télévisions ayant opté de projeter les pièces de théâtres, films et images de concerts, quand ce n’est pas la prière et l’exorcisme, les enfants kinois ne trouvent plus leur compte que dans la rue. Comment vont-ils organiser leur journée ? C’est vrai, que les parents sont tous absents de la maison : le chat parti, la souris danse ! Mais cela, combien de temps cela va-t-il continuer encore ?

Hier encore, trop de communiqués flous, pour ne pas dire contradictoires ont été diffusés concernant la reprise des cours. Le gouvernement s’était réuni une deuxième fois en l’espace d’une semaine et avait traité de la question des enseignants, omettant de faire allusion à tous les autres secteurs publics qui ont débrayé. Sans revenir sur ses menaces non suivies de la dernière réunion, une nette reculade s’est manifestée en faveur de la contribution des parents, ou le retour à la case de départ. Ils ont également parlé d’une reprise au courant de la semaine, sans fixer une date précise, démocratie oblige ! Faut-il y lire un désaveu du ministre de l’enseignement, et par ricochet, du gouvernement tout entier ? Entre autres décisions édifiantes : interdiction aux services centraux d’aller importuner les gestionnaires d’écoles avec la perception de frais divers …

Les enseignants ont peut-être eu gain de cause : ils ont fait triompher la démocratie. Le gouvernement a compris que les syndicalistes ne pouvaient rien signer sans l’accord de la base, car c’est elle qui les délègue.

Une autre concession : les syndicalistes seront désormais associés à l’élaboration du budget ! Quelle conquête démocratique !!! Si cela pouvait réellement s’accomplir ainsi, nous pourrons acclamer des deux mains car le pays aura posé des pas de géant dans le sens de sa démocratisation. Et ces jalons une fois plantés, plus personne n’osera y toucher car les enseignants sont plusieurs milliers à les surveiller pour leur intégrité.

Les passagers à bord du bus s’étonnent que de tout le parcours, deux enfants seulement se retrouvent en uniforme pour l’école. Où sont les autres ? Pourquoi n’ont-ils pas répondu à l’appel du gouverneur de la ville et du gouvernement ? Ces gens-là ne disent pas la vérité. Seuls les syndicats communiquent la ligne de conduite à adopter.

Sur ce point, les passagers ne comprennent pourquoi toutes les délégations reçues par le Chef de l’Etat n’ont pas osé dévoiler les accords auxquels ils ont abouti. Tout le monde a sans doute compris que le dernier mot revient aux enseignants, véritables acteurs de la scène actuelle. Leurs syndicats ont réussi à inoculer la leçon démocratique à tout le monde, en toute humilité.

Le Chef de l’Etat a été compréhensif et attentif à toutes les doléances des parents, syndicats et coordinateurs des écoles conventionnées. Et manifestement, les images de ces entretiens le démontrent : une détente parfaite, camouflant à la perfection le tumulte intérieur qui habitait chacun. Cependant les éloges à peine voilés des délégations à l’endroit du Chef de l’Etat rappellent la belle époque du « Dialelo » où il suffisait de voir le « Léopard » ou « l’aigle de Kawele » pour sortir avec un large sourire, convaincu de devenir propriétaire d’une voiture et d’un immeuble dans la ville de son choix.

Le désespoir affiché par ces élèves n’est pas loin de rappeler le découragement des disciples du Christ après la crucifixion et la mise au tombeau. On en a aperçu deux qui s’en retournaient dans leur village d’Emmaüs, très soucieux du sort qui leur était jeté : « Et nous qui espérions la délivrance d’Israël ! », sous-entendu pour occuper des postes, nous voici réduits à retourner à nos moutons, filets et autres activités …

Ce tragique désespoir, je l'avais déjà lu dans les questions que me posent chaque jour mes enfants : allons-nous reprendre l'école ou c'est fini pour cette année ? Y a-t-il un parent à qui les enfants n'ont pas posé cette angoissante question ? Et ma réponse est devenue presque monotone : nous allons aux négociations et nous verrons bien ce que cela va donner.

Ces négociations n'ont pas l'air de bien avancer malgré les euphémismes des délégations. Si les réponses étaient claires et satisfaisantes, personne n'aurait mis tout le week-end de suspens. On soupçonne déjà tout le monde d'avoir quitté la présidence mouillé de cette sueur froide de la gestion de sa trahison. Car la meilleure manière d'affaiblir les négociants pauvres est de leur remplir les poches individuellement. Ce sont les méthodes antiques qui ont fait leur preuve. Ont-elles réussi, cette fois encore ? Nous en sauront davantage le lundi lors de la restitution à l'assemblée.

Alphonse-Marie

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Famille Bitulu
  • Je suis éducateur et formateur de carrière et de profession. Mon épouse m'accompagne dans ce métier et nous aimerions partager notre expérience et notre foi avec ceux qui nous liront. Les remarques et autres suggestions nous aideront à améliorer et enrichi
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