Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Famille Bitulu
23 septembre 2005

Rentrée scolaire bloquée

Chers compatriotes,

Voici l'introduction d'une réflexion sur la rentrée scolaire bloquée en R.D.Congo. Je vous le livre pour enrichissement et / ou appauvrissement selon votre humeur. Celui qui l'estime incomplet pourrait nous ajouter les éléments pour que nous comprenions mieux les enjeux et aboutissements.
Je vous en souhaite d'ores et déjà bonne lecture.
Alphonse-Marie Bitulu
Kinshasa

d_mocratie3

Rentrée scolaire bloquée

Les enseignants du secteur publique, c’est-à-dire officiel, conventionné et ou confessionnel ont décidé de ne pas reprendre la craie. Ils exigent de l’Etat le paiement d’un salaire décent, conformément aux derniers accords signés entre partenaires de l’éducation : Vice-président en charge les Affaires culturelles et Ministre de l’éducation, les syndicats des enseignants et de la Fonction publique ainsi que les représentants des parents.
Pour toute réponse, le gouvernement a répondu via la bouche du Vice-Président en charge de l’Economie et des Finances recevant une délégation des élèves, qu’il n’y a pas d’argent. Où va-t-on trouver de l’argent pour payer les enseignants que viennent de rejoindre les fonctionnaires s’il faut appliquer le barème de Mbudi qui accorde 208 $ au huissier de la Fonction Publique et 2.080 $ au Secrétaire Général ? En plus ce barème était convenu pour être appliqué par palier jusqu’à sa mise en exécution définitive. En suppléance, les parents devaient voir leur contribution diminuer progressivement jusqu’à s’estomper pour que l’Etat prenne en charge les enseignants comme il se doit, en leur allouant un salaire acceptable sinon décent.
Faute de document original, nous ne pouvons publier les détails de ces accords.

Toutefois, ce document contenait plusieurs dispositions intéressantes qui présageaient une reprise de notre système éducatif national en main pour de lendemains meilleurs. Entre autres, la reconnaissance des échelons ou grades selon l’ancienneté et une sorte d’équivalence entre les diverses professions du secteur public. Qu'y a-t-il d'anormal qu'un ancien maître à deux pas de la retraite soit reconnu à un grade supérieur par rapport au débutant dans la profession ? Ne parle-t-on pas de junior et sénior dans d'autres secteurs (médecins, auditeurs, avocats etc.) pour exprimer la reconnaissance envers ceux qui ont accumulé de l'expérience dans le métier et peuvent servir d'encadreurs aux jeunes ?
Tout cela n’a pas connu un seul début d’exécution en dépit du budget national voté par l’Assemblée Nationale pour l’exercice 2005. Il faut bien se poser la question pourquoi le Parlement et le Sénat ne s’inquiètent pas de constater que l’année civile tend à sa fin sans que le secteur « social » n’ait connu une révision salariale consécutive aux discussions qu’ils ont tenues avant la promulgation de la loi budgétaire.
En effet, l’enseignant du primaire, diplômé d’Etat, marié est classé au grade 31 et touche actuellement 14.245 FC (soit 31 $). Depuis le mois de mai, on lui a ajouté une prime de loyer ou transport variant entre 3.000 et 5.000 FC selon l’ancienneté. Cela fait un total de 19.245 FC (soit environ 42 $). C’est un net à payer.
Le directeur de l’école primaire, avec 30 ans d’ancienneté est classé au grade 14 et touche 19.233 FC (41 $) avec la prime de transport qui avoisine 7.000 FC. Cela donne un total de 26.233 FC (soit 57 $) de net à payer.
Au secondaire, la situation se présente comme suit : Gradué (G3) ou grade 22, touche 16.993 FC avec une prime de 3.610 FC depuis le mois de mai soit un total de 20.603 FC soit 45 $. Le licencié quant à lui, est au grade 21 et touche 18.383 FC avec une prime variant entre 4.560 FC et 7.695 FC ; soit un total (au plus élevé) de 26.078 FC (soit 57 $).
C’est ce net à payer qui constitue le seul revenu auquel les enseignants doivent se référer pour vivre. Et les enseignants estiment qu’il est hors de question de revenir à un si maigre salaire car l’école, grâce aux frais perçus auprès des parents, arrivait à constituer une enveloppe globale variant de 100 à 300 $ par enseignant tandis que les chefs d’établissement atteignaient 500 voire 1.000 $ par mois selon la population scolaire gérée.
Le Ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel ayant pris un arrêté interdisant la perception des frais par les gestionnaires des écoles, les enseignants se retrouvent avec un pouvoir d’achat réduit au tiers voire dixième de leur ancienne situation. Comment reprendre l’année dans ces conditions ?
C’est ce débat qui a conduit à la révolte. Si déjà avec les 200 ou 500 $, l’enseignant arrivait à peine à couvrir ses dépenses pour la survie : loyer, déplacement, nourriture, blanchisserie et autres ; il ne saurait, à coup sûr faire face à sa situation sociale en cas de réduction de ce revenu au strict minimum présenté par l’Etat.
Les écoles privées sont forcées de prendre la poursuite de la grève au sérieux car elles offrent un spectacle ridicule de continuer à fonctionner pendant que 99 % des écoles ont débrayé. L’Etat ne peut organiser valablement une année scolaire avec ce seul secteur qui ne relève pas de ses attributions et dont l’échantillon demeure insignifiant au regard de la population scolaire du pays. Car le mot d’ordre de grève est respecté sur toute l’étendue de la République Démocratique du Congo. Les Coordinateurs des écoles de province qui ont accouru à Kinshasa pour recevoir les instructions de leurs patrons vu la situation délicate dans laquelle ils sont placés, d'autant que les menaces concernent directement les responsables qui oseraient percevoir quelque frais des parents à un titre autre que les fournitures scolaires.
Le bras de fer dure depuis trois semaines et vient d'entamer la quatrième.

Le gouvernement, à la suite des désapprobations généralisées qu'il a subies manifeste des signes d’essoufflement réel et a accepté d'aller en négociation après moult tentatives de dispersion de la cohésion des grévistes avec des communiqués unilatéraux. Quelques dissensions commencent à poindre en son sein avec la déclaration de A. Ruberwa sur les antennes de la radio Okapi. Sans trop forcer la note, ce dernier ajoute au refus de J.P. Bemba la dimension repentir pour adoucir les bémols. Car son paire allait jusqu’à nier la signature d’un quelconque accord avec les grévistes alors que le document existe bel et bien.

Où est passée l'association nationale des parents des élèves du Congo ?

Un des points regrettables dans cette situation est le silence des parents. Le torchon brûlant entre enseignants et gouvernement ne semble pas les intéresser. Même la démarche de leurs enfants pour rencontrer le Vice-Président ne les a pas secoués outre-mesure. L’association des parents d'élèves du Congo est totalement invisible sur le terrain. Pour certains, c’est un aveu d’impuissance et la manifestation de leur déconfiture comme partenaire de l’éducation. La tâche d'éducateur incombe aux parents qui la délèguent à l'école pour raison de commodité. Doit-on conclure que les parents ont décidé de garder leurs enfants à la maison pour s'en charger ? Hypothèse absurde car plusieurs n'en disposent ni compétence ni temps. Ils sont plongés dans la recherche de la nourriture et autres moyens de survie. Ils ont opté pour le paiement des frais, quels que élevés qu'ils soient, pourvu que leurs enfants soient bien formés dans des écoles au profil honorable.

Pour certains autres observateurs optimistes du phénomène social, cette distance vise à appuyer les enseignants pour que l’Etat applique réellement le barème des rémunérations négocié qui ne traite pas que le cas des enseignants mais de toute la fonction publique où ils se retrouvent exerçant eux-mêmes aussi. Ainsi, le silence serait un soutien discret dans l'espoir d'une mesure salutaire pour tous. Mais là également, l'Etat joue au malin en voulant diviser pour mieux régner. Cette frange de parents ne saisissent pas les enjeux et risquent de regretter la surprise désagréable qui leur tomberait sur la tête.

Si les parents pouvaient intervenir de façon plus ferme et radicale, pour avaliser le statu ante, cela permettrait une reprise immédiate. Auquel cas, il faudrait demander au gouvernement de retirer sa mesure pour laisser l’école s’organiser comme par le passé. Un texte légal devra annuler la première mesure pour libérer l'école. Du coup cela rendrait impopulaires et le gouvernement et les parents qui s'y hasarderaient - les uns se disqualifieraient pour les échéances électorales, les autres seraient traités de traîtres bourgeois qui ne comptent pas avec la misère collective. On pousserait le courroux jusqu'à accuser  d’escroquerie cette association qui se complaît de percevoir des frais de fonctionnement sur le dos d’autres parents. Si l’Etat verse les frais de fonctionnement aux écoles, on ne pourra justifier une rubrique destinée au Comité des Parents.
Et c’est déjà cela qui est entrevu avec la mesure d’octroi de 87.000 FC aux écoles pour leur fonctionnement. Là encore, la décision semble relever d’un manque total d’équité. Toutes nos écoles n’ont pas la même taille. Même si le cycle est de six ans pour le primaire et pareil pour le secondaire, il existe des écoles primaires seules, des écoles secondaires seules, des complexes scolaires rassemblant ces deux cycles. Et même plus encore, certaines écoles organisent des classes parallèles pour faire face à la population scolaire. On se retrouve ainsi avec une école de six ou de cinquante classes. Qu’un cabinet ministériel ou qu’un gouvernement arrête d’allouer un même montant à toute les écoles indistinctement, que des responsables cadres techniques rassemblent les dirigeants d’établissement pour leur répéter que ces instructions s’appliquent à la lettre, cela relève d’une totale ineptie. Quelle cette logique qui voudrait que dans une école de cinquante classes, on utilise le même nombre de craies, de journaux de classe ou autres documents scolaires équivalent à une école de six classes ou moins ?
Les questions soulevées par cette rentrée scolaire bloquée nous ramènent sur la sellette la nécessité d’un gouvernement responsable, de transition fût-il. Quand bien même la question électorale intéresse les dirigeants au plus haut chef, la vie de la nation ne s’arrête pas pour autant. Il ne faut pas laisser pourrir la situation sociale afin de contraindre la population à tomber dans le piège de la révolte afin de bloquer le processus électoral, au prétexte d’avoir privilégié ce seul volet de l’action gouvernementale. Il y a péril en la demeure.
La Communauté Internationale n’a pas d’argent que pour les élections et les institutions. Elle vit au quotidien les affres du Congolais et devrait pousser les poulains au pouvoir à affronter la réalité avec sérénité et surtout, à résoudre les problèmes posés qui ne peuvent être rejetés sans suite. Déjà l’Unesco menace qu’au 45e jour de la grève, l’année scolaire devra être déclarée blanche. Qu’adviendront nos enfants ? Et ces écoles privées qui fonctionnent sans s’allier à leurs collègues pour faire davantage pression sur l’Etat, auront-elles des documents à délivrer aux enfants pour justifier auprès des parents les fonds encaissées ? A moins que ces parents soient "trop compréhensifs et tolérants".
Les parents les plus nantis ont tôt fait de retirer leurs enfants des écoles « congolaises » pour les placer dans les écoles « consulaires ». Voilà une autre conséquence imprévue de la situation. Et le mal s’en va vers la gangrène pour détruire tout l’organisme.

Qu'en pense l'Eglise ?

L’Eglise catholique entre autres et le Saint-Siège ne devraient pas non plus ignorer ce drame humain qui se joue à leur nez, dans un silence complice. Les encyclique Lumen Gentium et Ad Gentes n'offrent aucune marge de liberté à l'Eglise pour se soustraire, en dépit des critiques sur ses implications en matière de gestion du temporel. "Les joies et les peines des hommes de notre temps, sont les joies et les peines de l'Eglise". L’intervention de la Conférence Episcopale Nationale du Congo dans le sens d’une redynamisation de la position de l’Eglise serait la bienvenue au lieu d’un silence que d’aucuns considèrent déjà comme une reculade devant le pourrissement de la situation. On s’en va même jusqu’à menacer de s’en prendre à l’Eglise catholique car elle a été parmi les premiers à crier au stop de la contribution des parents sans étudier les paramètres. L'Eglise se doit de défendre ses fidèles contraints à un saignement financier qui ne leur offre pas les moyens de s'épanouir pleinement. Ces milliers de baptisés qui fréquentent l'école risquent de rater leur chance servir correctement l'Eglise demain si rien n'est entrepris en faveur de leur encadrement efficace.

Les questions ne font que s’accumuler sans qu’une solution soit envisageable dans un bref délai. Une assemblée générale des enseignants était convoquée vendredi, 23 septembre à Matete (St Alphonse) en vue de faire le point. Elle n'avait pu avoir lieu comme les pourparlers avec le Gouvernement n'avaient encore rien conclu. Deux communiqués différents s'en sont suivis. L'un émanant des syndicats pro-gouvernement et invitant les parents à laisser les enfants aller à l'école car tout s'était bien passé. Encore une ineptie : est-ce les parents qui ont gardé les enfants à la maison ou c'est l'école qui a demandé aux enfants de rester à la maison jusqu'au dénouement de la situation ? Le deuxième communiqué est celui des deux syndicats principaux qui ont pris la responsabilité de déclencher la grève : SYECO et SYNECAT. Ils demandent à consulter leur base lors d'une assemblée générale organisée ce lundi à Notre-Dame Ste Marie afin de restituer les conclusions des pourparlers et arrêter les décisions qui s'imposent.

A travers ces deux communiqués, tout le monde peut déceler les tendances anachroniques des poulains du gouvernement face à l'exercice de la démocratie véritable dont font montre les responsables des syndicats organisateurs de la grève.

Nous espérons que les grévistes demeureront lucides sur toutes les facettes du problème, sans céder au chantage ni aux menaces que leur profèrent les tenants du pouvoir. Ils sont dans leurs droits les uns et les autres. Le dialogue doit aller dans le sens d’un large consensus qui sauve notre système éducatif car il y va de l’avenir de toute la Nation.
Dossier à suivre !
Alphonse-Marie Bitulu
Kinshasa

Publicité
Publicité
Commentaires
Famille Bitulu
  • Je suis éducateur et formateur de carrière et de profession. Mon épouse m'accompagne dans ce métier et nous aimerions partager notre expérience et notre foi avec ceux qui nous liront. Les remarques et autres suggestions nous aideront à améliorer et enrichi
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Famille Bitulu
Publicité